Au sujet de la légèreté du cheval et de son cavalier
Créé par richardtroubat le 21 mar 2009 à 7:44 | Dans : 2- Anecdotes
Des lecteurs m’ont posé cette question : «la légèreté dont il est question dans ce livre, est-ce une invention de romancier ou bien quelque chose que les cavaliers recherchent vraiment ?»
En quelques mots, la légèreté est une sorte d’état de grâce que ressent le cavalier lorsque son cheval n’oppose plus aucune résistance à sa volonté et que tous deux se fondent ensemble dans un souffle chorégraphique que les spécialistes appellent : les airs de Haute-Ecole. L’animal livre toute sa force et sa puissance et y consent volontiers, car l’homme ne l’y contraint pas par un commandement autoritaire, mais l’y entraine avec tact et délicatesse comme il inviterait une jolie femme dans une danse. Ainsi, le cheval évolue dans un équilibre parfait, y trouve un réel état de bien-être et consent à mettre son âme et toute son énergie dans le mouvement. Alors, la communication entre l’homme et le cheval est très intime, d’une subtilité infime, c’est une connivence. L’homme ne dit plus rien, le cheval sait, le mouvement se produit de lui-même dans la grâce et la légèreté et c’est grandiose. C’est une communion plutôt qu’une communication, l’ensemble homme-cheval ne forme plus qu’un, c’est un peu le mythe du centaure.
Ainsi, la légèreté est une disposition physique et mentale que les cavaliers cherchent à obtenir d’eux-mêmes et du cheval, et beaucoup la cherchent pendant très longtemps, comme une sorte de quête du Graal.
C’est dans cet état de grâce qui est infiniment fragile que le héros du roman, Eugène Rideau, se dit en prière.
Cette quête se suffit à elle même, pour le Maître de manège elle est une fin en soi, c’est pour cela que la petite Câline, sa filleule et élève, dit qu’on donnerait sa fortune pour connaître la légèreté.
4 réponses to “Au sujet de la légèreté du cheval et de son cavalier”
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Belle explication pour mieux saisir l’état de grâce que représente cette « légèreté » si recherchée et que tu évoques dans ton roman. C’est une belle image, je trouve, et très beau au niveau de la communication entre l’homme et la bête (qui est en nous peut-être aussi)…
B.
Dernière publication sur FICTIONS et FRICTIONS : Bruxelles ciblée, Bruxelle brisée, Bruxelles martyrisée...
Il faudrait ajouter que cet état de grâce tel que décrit ici n’est probablement accessible qu’à quelques grands maîtres de l’art équestre. Le cavalier moyen doit chercher pendant très longtemps avant de l’atteindre, du moins à ce niveau de perfection. La majorité d’entre eux éprouve beaucoup de plaisir à simplement être à cheval, sans se poser tant de questions… et c’est très bien.
Je ne résiste pas au plaisir de visiter votre site, mais votre thème de la légèreté me poursuit.Cet été Xavier Lainé le praticien Feldenkrais avec qui je dialogue, avait proposé comme travail: vivre avec la gravité (à entendre, utiliser la gravité et non renforcer nos muscles antigravitaires dans l’angoisse permanente de la chute), à la session de septembre, il reprend cette même idée dans cette proposition: »vivre léger »…alors j’ai associé avec humour avec « l’insoutenable légèreté de l’être »…
amicalement
Réponse : Merci pour ce commentaire. Le Maître de manège, Eugène Rideau, héros de ce roman, serait probablement d’accord avec monsieur Lainé que vous citez; il préciserait que la légèreté est avant tout mentale, que les gens sont bien souvent trop « graves » pour monter à cheval dans la légèreté, et il citerait volontiers Voltaire qui écrivait : « Un homme grave est celui qui s’est concilié de l’autorité, plus par sa sagesse que par son maintien »
votre livre est sincèrement passionnant
quant à la légèreté de haute école je n’ai pas ce niveau et pour moi légèreté équivaut plutôt à complicité et confiance partagée
Réponse : Merci pour ce commentaire. Eugène Rideau vous dirait que la légèreté n’est pas obligatoirement dans l’obtention de grands airs extravagants et spectaculaires « dits : de Haute-Ecole ». La légèreté est un sentiment de jouissance qu’il peut obtenir dans les mouvements les plus simples, si le cheval consent à s’y livrer sans contraintes et avec toute son énergie. En effet, c’est un moment très intime, une communion entre l’homme et sa monture. Le jeune narrateur met toute sa passion, chaque matin dans le petit manège de la « rue des oreilles de souris », pour revivre ces instants.